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INTERVIEW MANUSCRITE #102 – CALI @ DIEGO ON THE ROCKS

INTERVIEW CALI PAR DIEGO*ON*THE*ROCKS

A 53 ans, CALI est un artiste hyperactif qui enchaine les projets musicaux, l’écriture de romans et le discret soutien à de nombreuses associations. En 2020, il a sorti l’album “Cavale” qu’il défend (enfin) sur scène avant d’enchainer un projet solo autour de nouvelles compositions. 
 
Pour Musiques En Live, Diego a rencontré l’artiste sous le regard photographique d’Emmanuelle Derrier au Rocher de Palmer.
 

 
DIEGO : Bruno, lors de notre dernière entrevue nous avions parlé de U2 et de ton amour pour ce groupe notamment dans les 80’s. Quels sont les albums ou concerts qui t’ont marqués après 1990 ?
CALI : Lors des shows Français, j’ai eu la chance de les croiser à plusieurs reprises car je suis bénévole pour l’ONG “One” de Bono. Je trouve formidable l’osmose qui persiste au sein de U2 car ils se sont connus adolescents et continuent à être de vrais amis. Leur unité n’est pas une façade. Leur longévité tient de leur côté créatif et dans tous les albums, on trouve deux ou trois tubes imparables. J’ai une affinité pour “All That You Can’t Leave Behind” qui me rappelle un voyage familial en Europe. Idem pour SIMPLE MINDS lorsqu’ils ont sorti “Street Fighting Years” en 1989, après plusieurs écoutes je suis tombé amoureux de ce disque. Avant nous écoutions les disques de A à Z, aujourd’hui l’auditeur zappe trop facilement.
Pour les concerts de U2, la scène de la tournée des 30 ans de “The Joshua Tree” était fabuleuse avec l’écran démesuré en fond de scène.
 
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DIEGO : Et les tournées à Bercy en 2015 et 2018 avec la plateforme en fosse ? Un moment incroyable…
CALI : Oui ! D’ailleurs l’un des soirs sur la chanson “One”, Bono m’a cité et a dit : “Je remercie Cali !” Cela m’a tué ! Evidemment il s’agissait d’un clin d’oeil en rapport avec l’ONG précitée. La scénographie du concert était démente… tout comme l’araignée au Stade de France pour la tournée 360°.
Je suis admiratif et leurs premiers disques restent incontournables car on comprend que les musiciens ne maitrisent pas encore parfaitement leurs instruments et l’évolution est palpable, album après album.
 
DIEGO : D’ailleurs il y a du U2 dans ton dernier album “Cavale” ! Les voix vocodées de “15 ans” et “Une Séparation”, les choeurs de “Enfuis-Moi” ?
CALI : C’est totalement ça ! Je travaille avec Augustin CHARNET qui ne connait pas plus que ça U2 et lui ai dit : On pourrait faire un truc à la U2 en lui faisant écouter “Love Is All We Have Left”. Effectivement dans le titre “Une Séparation”, je rends hommage à mon groupe préféré !
Concernant les tendances actuelles, il y a des jeunes qui sont fortement influencés par nos productions passées et qui font les malins. Je trouve dommage de ne pas citer les artistes auxquels on semble se référer. En 2005 j’ai publié un titre qui s’appelait “Je M’En Vais (Après Miossec)” en “réponse” à une chanson sortie un an plus tôt. Idem pour “Elle M’a Dit” dont j’ai pompé la rythmique sur “Non Non Non Non (Je Ne Suis Plus Saoul)” de son premier album sorti en 1995. Il s’agit d’hommages avoués !
 
DIEGO : Avant de continuer sur l’album “Cavale”, j’ai vu que tu enchainais une tournée solo qui s’appellera “Ne faites Jamais Confiance à Un Cowboy”. Cela annonce un nouvel album ?
CALI : J’ai enregistré beaucoup de chansons qui vont arriver cette année. Je ne connais pas encore la forme de publication, physique, digitale ou autre… elles ont été composées à la maison, seul dans mon studio et j’ai souhaité les présenter à mon pianiste Julien LEBART avec un impératif : je veux faire du Johnny CASH / Bob DYLAN.
Guitare, harmonica, micro à l’ancienne et c’est parti ! Mon pote violoniste Steve WICKHAM des WATERBOYS est venu à la maison pour les cordes. Le résultat est sobre et la tournée “cowboy” inclura beaucoup de nouvelles chansons inédites. Certains vieux titres seront également présents… l’idée de base est d’avoir un banc, un lampadaire et un clochard céleste qui joue ses chansons.
 
DIEGO : The lonesome cowboy !
CALI : Exactement ! J’ai déjà fait une tournée solo d’une cinquantaine de dates où je me retrouvais dans ma chambre avec mes posters au mur et mes disques. Je revisitais mes chansons tout en racontant beaucoup de conneries… une liberté totale.
 

 
DIEGO : Je suis impatient de découvrir çà ! Revenons à “Cavale”, comment as-tu convaincu le chanteur de dEUS pour un duo ?
CALI : Tom BARMAN ! On s’est appelé il y a quelques jours car je souhaitais qu’il monte sur scène à Bruxelles. C’est fabuleux car je suis fan de dEUS et j’ai bossé avec Alan GEVAERT (bassiste) sur mon album de 2010 “La Vie Est Une Truite Arc-En-Ciel Qui Nage Dans Mon Coeur”. Je l’ai appelé afin qu’il propose à Tom de chanter sur “Sois Doux” car je sentais qu’il fallait sa voix sur la fin de cette chanson. Alan me dit que Tom est un ours mais qu’il va tenter le deal… Quelques temps plus tard, j’étais chez ma soeur et je reçois un message avec pièce jointe. Tom a écrit et chanté son texte et j’ai pleuré en entendant le résultat. Une grande émotion.
 
DIEGO : The Ideal Crash” et “In a Bar, Under The Sea” sont des albums incroyables ! 
CALI : J’ai vraiment de la chance dans ma petite vie de rencontrer des gens comme ça ! Daniel DARC, Mike SCOTT, Tom BARMAN, Mathias MALZIEU… 
 
DIEGO : Et c’est pas fini ! D’ailleurs le titre “Je Voudrais Vivre Heureux” pourrait être chanté par FEU CHATTERTON !
CALI : Super ! J’adore ce groupe. Leur dernier disque est magnifique. Ils poussent des portes et ouvrent de nouveaux horizons. 
 
DIEGO : Le titre “Mon Fils Ma Vie” reflète une certaine amertume… celle de l’absence !
CALI : Oui. Un artiste est tout le temps sur la route et nous ratons parfois des moments importants. Ce soir ma fille à 40 de fièvre mais je suis à Cenon pour jouer devant les spectateurs. Une chanson qui rend hommage à nos proches lors de nos absences. 
 
DIEGO : La pochette de “Cavale” qui fait ton fond de scène en concert est mystérieuse. Qui est-ce ?
CALI : En publiant “Cavale” j’ai écrit un recueil de poésies donnant quelques clés sur le disque et sur les vidéos réalisées, il en existe 3 à ce jour. D’autres pourraient sortir prochainement car nous en avons filmé 6 en tout issues de cet album. La fille sur la pochette qui est dans les clips est une comédienne, il s’agit de ma nièce. C’est une photo volée lors des tournages de clips réalisés à Dunkerque.
 
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DIEGO : Un cowboy est-il un menteur ?
CALI : Oui… vérité ou mensonge, cela reste un spectacle. John FORD a dit dans “L’Homme Qui Tua Liberty Valence” : “Si la légende est plus belle que la vérité, elle prime la légende”.
Ne faites jamais confiance à un cowboy c’est ça, tant que cela fait du bien aux gens !
 
DIEGO : Passons des cowboys aux anges ! Les personnages de ton roman sont-ils tous réels ?
CALI : Dans mon premier roman, 99% étaient vrais. Dans le deuxième 80%. Pour ce troisième écrit, il y a du vrai et du faux et un personnage comme Alec existe. C’est mon ami d’enfance. Mes amis peuvent se reconnaître dans mon livre et je m’amuse lorsqu’ils savent que je parle d’eux sur un fait qui n’a pas existé ! 
 
DIEGO : Je vais citer quelques passages qui ont retenu mon attention : “Les gens ne se rencontrent pas, ils se reconnaissent. Quand deux anges se croisent, ça fait quoi ?”
CALI : Cela nous arrive à tous ! Tu rencontres brièvement quelqu’un et tu sais que cette personne va être importante, comme une béquille. Cela m’est encore arrivé au Luxembourg avec un directeur de salle… nous nous sommes reconnus. Les anges sont vivants. Nous avons tous des hauts et des bas. L’adolescence peut être dangereuse car si tu croises la mauvaise personne, tu peux avoir une vie pourrie. Au même endroit avec un bon samaritain, ta vie est différente.
 
DIEGO : Autre extrait : “Ok je t’appelle PRINCE mais tu m’appelles BROUSSE. C’est un chanteur, on l’appelle le boss parce que c’est le chef. Pas le chef de gare, le chef du rock n’roll, de la musique !”
CALI : Je démarre sans plan défini. J’écris une partie puis vais me coucher et redémarre le lendemain. A cet endroit, j’ai pensé à Geoffrey BURTON qui m’a accompagné sur plusieurs albums et tournées. Il a travaillé pour ARNO et Iggy POP. En fait, il m’appelait Bruce et je l’appelais PRINCE… voilà d’où vient le délire !
D’ailleurs une fois en tournée avec Geoffrey à Bruxelles, nous n’avions pas dormi durant deux jours et nous sommes retrouvés dans un concert de PRINCE au casino de Bruxelles. Un souvenir incroyable avec 200 personnes… il a joué de minuit à 5 heures du matin. Je n’ai pas vu un guitariste mais j’ai vu la guitare ce soir là… PRINCE était son instrument !
 
DIEGO : troisième extrait de ton livre : “Ce n’est pas l’habitude qui tue un couple, ce sont les habitudes de l’un qui se frottent aux habitudes de l’autre. Elles finissent par s’entretuer.”
CALI : Je me suis éclaté à écrire ce livre. Une belle anecdote : j’écris à la main, pas à l’ordi, et c’est un ami Parisien qui devait retranscrire mes pages durant 3 ou 4 jours avant d’aller chez l’éditeur. Un soir, je vais à l’apéro chez des potes et rentre à l’hôtel très fatigué. J’ai perdu mon manuscrit qui est unique ! Il était dans un sac plastique hermétique. Je vais voir le mec de l’hôtel et me fait une raison… si tu l’as perdu, il ne devait pas être édité ! Une heure après, le type de l’hôtel vient frapper à ma porte… il avait retrouvé mon bouquin dans son sac plastique à l’entrée d’une bouche d’égout ! Un jour de flotte…
DIEGO : Histoire vraie ou menteur ? CALI chanteur ou CALI cowboy ?
CALI : Celle-là est vraie ! Le truc improbable… un signe du destin. Cet homme était un ange ! J’ai appelé le livre ainsi pour la chanson “Voilà Les Anges” de GAMINE, un groupe de Bordeaux. J’ai contacté Paul Felix VISCONTI pour savoir si cela ne le fâchait pas que j’utilise ce titre, il m’a répondu “Vas-y, les anges ne m’appartiennent pas !”
 

 
DIEGO : Egalement lisible dans “Voilà Les Anges”, livre publié aux éditions Albin Michel : “No saxophone, no Phil COLLINS !”
CALI : C’est une blague de groupe dans le tour-bus… j’ai fait une tournée où nous disions “No jazz, no saxophone, no Phil COLLINS” dans la radio. Dès que l’un d’entre-nous mettait un titre enregistré en rapport avec cet adage, il se faisait pourrir ! 
DIEGO : Fallait surtout pas mettre DIRE STRAITS !!!
CALI : C’était un délire… lorsque tu écoutes Clarence CLEMONS le défunt saxophone de SPRINGSTEEN, c’était une tuerie ! Comme celui des ROLLING STONES !
 
DIEGO : Il me semble que dans les groupes de bal que tu avais en début de carrière, tu ne reprenais pas les titres phares du Top 50 ?
CALI : Disons que tous les groupes concurrents reprenaient la même chose… à savoir les succès du TOP 50 des 80’s ! Certes nous avions faim mais nous souhaitions prendre du plaisir tout en jouant des morceaux que nous maitrisions. Et nous ne connaissions pas les classiques du Top 50 qui ne nous plaisaient pas. Raison pour laquelle lors des slows, on jouait RADIOHEAD et LÉO FERRÉ. Côté rock, nous étions plus proches des RAMONES et de CLASH que de GOLDMAN. Dans tous les cas, les gens aimaient car nous reprenions de la grande musique.
 
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DIEGO : J.L. MURAT a  déclaré en 2007 : “Être artiste, c’est une affaire de vocation et de discipline, une discipline de fer. Être artiste c’est du travail, du travail et encore du travail”. Cela te va bien ?
CALI : Je suis complètement d’accord sauf que tu ne sais pas que c’est du travail. On est pas à la mine et passer 10 heures sur une chanson n’est pas nécessairement une contrainte. Je vis de ma passion, c’est une joie immense. Après il y a un temps pour tout et avec les copains de scène, on sait déconner. Nous ne sommes pas chirurgiens, nous sommes musiciens, l’erreur est acceptable. Parfois même elle fait rire le public !
Jean Louis MURAT sort des choses magnifiques mais il avait démonté Johnny HALLYDAY après sa mort et cela avait fait le buzz… il l’avait qualifié de ringard et minable dans les Inrockuptibles. Pas très classe… il est fou ce Jean Louis… a voir sur YouTube c’est hilarant !
 
DIEGO : Tu préfères parler de tes copains MIOSSEC et BENABAR !
CALI : Oui ! J’ai eu Christophe (MIOSSEC) récemment et Bruno (BENABAR) est mon vrai pote. C’est le boss ! Son dernier album est sublime. C’est un vrai Italien et il ne faut pas toucher à ses amis. 
 
DIEGO : Quel est ton album préféré de CLASH ?
CALI : J’aime toutes leurs périodes mais j’ai été bouleversé par leur premier album. J’étais jeune et j’ai le souvenir qu’à la fête de la musique en 1982, ANTENNE 2 passe à minuit un film des BEATLES et à 3 heures du matin le documentaire “Rude Boy” de CLASH. Je suis seul à la maison et je prends une vraie claque. Une énergie pour le reste de ma vie. Cet album fut enregistré instinctivement, rapidement, il est indémodable. Après évidemment on ne peut pas négliger “London Calling”.
 
DIEGO : L’album qui m’a fait aimé le rock et que j’ai découvert à 16 ans ! 
CALI : Et après on fait partie de la même tribu… on y croit ! Qu’on soit musicien ou non. Lors de ma précédente tournée solo, j’avais le poster de Joe STRUMMER qui me regardait en fond de scène. J’avais l’impression qu’il était à côté de moi. Il représentait le berger qui regarde ce qu’il y a derrière la colline. Nous sommes les moutons et Joe STRUMMER est le guide. Ce poster m’a sauvé la vie.
 
DIEGO : Celui de Robert SMITH des CURE période “Boys Don’t Cry” m’a longtemps accompagné également ! De dos et le regard supposé lointain ! Pour finir une question sport… difficile pour un Catalan, tu préfères la pétanque ou le rugby ?
CALI : J’ai été champion de France de pétanque mais cela s’entretient et j’ai perdu la main. Je suis persuadé que si on jouait tu me battrais ! (rires) J’aime regarder la pétanque sur la chaine L’Equipe.
DIEGO : Les fléchettes aussi sur cette chaine ! Les Anglo-Saxons et les Hollandais sont imbattables… 
CALI : Je regarderai ! Par contre le rugby, c’est une religion. J’ai récemment été appelé par l’USAP (Perpignan) pour présenter un nouveau maillot. J’ai tapé dans le ballon, j’étais heureux. Je dis toujours que ce sport apporte une famille, des amis. Le principe du rugby est de se faire mal pour que ton voisin supporte la douleur…
 
DIEGO : Sur ces mots solidaires qui reflètent tes chansons, merci Bruno, bon concert et à bientôt avec le cowboy solitaire !
CALI : Salut Diego, merci.
 

 
  • Remerciements : Bruno CALICIURI / Daniel CHAMORRO / Margaux SFEIR / Moon LE NOAN
  • Photos : Emmanuelle Derrier
  • Relecture : Jacky G.