AMADOU ET MARIAM MeL 1

INTERVIEW #185 – AMADOU & MARIAM @ DIEGO ON THE ROCKS

INTERVIEW AMADOU & MARIAM PAR DIEGO*ON*THE*ROCKS

Ce couple est devenu une institution représentant la musique Africaine à travers le monde. Amadou & Mariam viennent de publier l’album “Éclipse” qui raconte leur carrière en chansons au fil des narrations d’Oxmo Puccino. Maliens et non-voyants, les artistes septuagénaires ont ouvert leurs coeurs et accepté de partager un moment avec Diego qui les remercie chaleureusement. Les photos sont de Denis Darotcheche pour Musiques En Live. DIEGO : Tout d’abord une question concernant votre pays d’origine, comment vont les enfants et la jeunesse au Mali ? MARIAM : La jeunesse au Mali va bien. Malheureusement, il y a une certaine insécurité qu’il faut gérer mais les jeunes s’investissent dans la musique et c’est une bonne chose. AMADOU : Les temps ont changé et l’éducation des enfants est un reflet des émissions TV et des réseaux sociaux, comme en occident. La tradition de lire des contes et des livres se perd mais il y a un intérêt non négligeable pour la musique. Certains jouent nos morceaux et s’approprient nos chansons, nous en sommes flattés.   DIEGO : C’est bon signe, la relève est assurée ! Il y a quelques années, vous aviez eu l’idée de jouer des concerts dans le noir pour immerger le spectateur dans le monde de la cécité. Pouvez-vous m’en parler ? MARIAM & AMADOU : Lorsque nous étions à l’institut des jeunes aveugles dans les années 70, il y avait un orchestre qui s’appelait Eclipse. Leur concept permettait aux voyants de ressentir l’univers des aveugles durant un concert. Notre ancien manager a élaboré cette façon d’apprécier la musique sans la vue pour cette série de spectacles. Le travail des musiciens était difficile et les salles devaient être plongées dans un noir intégral. Certains personnels qui nous accompagnaient étaient dotés de caméras infrarouges. L’ambiance dans la salle permettait aux spectateurs de s’immerger dans les différentes saisons ressenties au Mali, du froid à la chaleur, des odeurs à la brume. Il fallait que les activités domestiques et familiales puissent être perceptibles sans être vues par le public. DSC 5962 DIEGO : Difficile d’aller au bar pour prendre une bière dans ces conditions ! D’ailleurs un disque est récemment sorti baptisé “Éclipse” racontant votre parcours musical avec Oxmo Puccino. Sa voix est saisissante ! MARIAM : On se connait de longue date avec Oxmo. Sa voix colle parfaitement à notre univers.   DIEGO : Éclipse” n’est-il pas également un parfum ? AMADOU : Le projet a malheureusement avorté. Nous voulions un parfum qui rappelait l’ambiance de nos concerts dans le noir, qui sentait bon le pays ! C’était prévu car nous avons diffusé l’odeur durant ces shows mais la commercialisation n’a jamais eu lieu. C’est bien dommage.   DIEGO : Durant votre longue carrière commencée en 1980, quelles ont été les étapes importantes ? MARIAM : Évidemment l’étape de la Côte d’Ivoire en 1986 fut très importante car c’était nos débuts. Sans producteur ni distributeur, nous conservons un souvenir de cette période plutôt difficile. Avec du travail et du courage, nous avons trouvé un producteur et avons enregistré nos premières K7. AMADOU : La reconnaissance en Afrique a commencé. Après nous avons été distribués puis sommes partis pour la France en 1998 où nous avons été programmés aux Transmusicales de Rennes. Le titre “Je Pense à Toi” de l’album “Sou Ni Tilé” a élargi notre public et nous avons été repérés par Manu Chao après les premières éloges des professionnels du métier. Avant, nous avions travaillé avec Mathieu Chedid, Ibrahim Maalouf et Sergent Garcia sur l’album “Wati” puis en 2004 Manu Chao a produit une partie de l’album “Dimanche à Bamako”. On retrouve également Tiken Jah Fakoly dans ce disque. Une autre étape importante est notre départ pour l’Angleterre en 2008 avec “Welcome to Mali”. S’il fallait résumer les pays importants de notre carrière, il y aurait la Côte d’Ivoire, la France et l’Angleterre avec Damon Albarn.   DIEGO : La grande classe dans vos collaborations ! Je me suis amusé à regarder les artistes avec qui vous aviez collaboré, pour n’en citer que quelques uns : David Gilmour de Pink Floyd, Coldplay, Alicia Keys, Damon Albarn de Blur, Shakira et vous avez rencontré Barack Obama. Incroyable ! MARIAM : Également Mathieu Chedid et Bertrand Cantat qui sont venus nous voir au pays. AMADOU : La rencontre avec Obama était superbe car il connaissait notre musique. Nous avons assuré les premières parties de Coldplay sur une dizaine de concerts aux États-Unis, nous nous étions rencontrés à Glastonbury en Angleterre. C’est un pays où nous jouons beaucoup. Nous avons également joué avant U2 lors de leurs concerts en Afrique du Sud en février 2011 devant 90 000 personnes.   DIEGO : Permettez-moi de considérer d’avoir le privilège d’interviewer les musiciens Africains les plus connus… à savoir vous ! MARIAM & AMADOU : Peut-être ! Nous sommes différents des autres musiciens car nous jouons plusieurs styles. Du rock, du blues, de la pop, de la world-music et des variétés. Nous sommes cosmopolites. DSC 6259 DIEGO : Certaines collaborations manquent à votre panel ? MARIAM : La porte est ouverte à tout le monde ! Nous faisons au feeling et ne programmons rien ! AMADOU : Généralement ce sont les artistes qui nous contactent après les rencontres en festivals. MARIAM : Lorsque Manu Chao a entendu notre groupe, il a été voir notre manager directement pour travailler ensemble. Nous avons également collaboré avec Sergent Garcia qui est très gentil.   DIEGO : Oui, j’ai eu la chance de le rencontrer également ! Il revient en 2023 avec son groupe Ludwig Von 88. AMADOU : Exact. Compte tenu du nombre de collaborations importantes déjà effectuées, nous souhaitons nous recentrer prochainement sur le duo Amadou & Mariam même si les featurings ne sont jamais exclus.   DIEGO : Je me permets une question un peu personnelle. Vous êtes mariés depuis 1980, vous arrive t’il encore de vous engueuler ? (rires) MARIAM & AMADOU : Oui !!! (mort de rire) DIEGO : Et cela fini comment ? MARIAM : (rires) et bien nous nous comprenons… comme tous les couples ! DIEGO : Ah ok, la femme a toujours le dernier mot alors, comme en France ! AMADOU : On s’arrange pour que les deux aient raison ! Normalement en Afrique c’est l’homme qui a raison mais étant donné que  vous voyageons beaucoup, on s’est adaptés… un consensus. DSC 5916 DIEGO : Plus sérieusement, a quoi doit s’attendre le spectateur de vos prochains concerts ? AMADOU : Nous jouons les morceaux les plus connus de notre répertoire et les gens vont chanter. Notre objectif est un concert participatif. Le but étant que le public soit réconforté en rentrant chez lui. La joie et le bonheur sont importants. MARIAM : Applaudir et chanter avec nous ! Cela nous donne du courage. Nous jouons à 5 musiciens.   DIEGO : Quels sont les plus beaux concerts que vous avez entendus en tant que spectateurs ? MARIAM & AMADOU : Il y en a eu beaucoup ! Macéo Parker par exemple c’était très beau. Manu Dibango, Coldplay et Santigold aux USA. Beaucoup de découvertes possibles dans les festivals qui permettent de changer d’horizon musical. Cela est formateur et donne de l’expérience.   DIEGO : La musique Africaine est déjà très cosmopolite et toutes les influences sont bonnes à prendre ! AMADOU : Oui. Nous avons joué à Coachella le même soir que Tool et Massive Attack et au Lollapallooza à Chicago en 2008. De superbes festivals.   DIEGO : Que de belles rencontres ! Merci à vous deux pour cette interview et je vous souhaite une année remplie de concerts et de bonheur ! MARIAM & AMADOU : Merci Diego.
  • Remerciements : L’entrepôt du Haillan
  • Photos : Denis Darotcheche
  • Relecture : Jacky G.