UKRAINIAN BALLET

INTERVIEW #183 – BALLET UKRAINIEN ODESSA @ DIEGO ON THE ROCKS

INTERVIEW OLENA PECHENIUK PAR DIEGO*ON*THE*ROCKS

En cette période sombre pour le peuple Ukrainien, participer à la promotion d’un ballet en grande partie composé de danseurs natifs du pays est un privilège. Olena Pecheniuk est la première ballerine de la troupe qui sillonne la France durant 6 semaines pour présenter “Le Lac des Cygnes”. Malgré quelques difficultés de compréhension, elle a accepté de recevoir Diego pour Musiques En Live après la représentation au Théâtre Fémina de Bordeaux. Les photos sont de Emma Derrier. Un grand merci à Arthur de AA-ORGANISATION pour la sympathie et la simplicité.

 

DIEGO : Merci beaucoup de nous recevoir en loges après la prestation physique de 2 heures que vous venez de faire, pas trop fatiguée ?

OLENA : Je le suis, l’effort est intense et très physique. Je vois que vous aussi vous faites du sport pour entretenir votre ligne !

 

DIEGO : Oui merci, mais j’ai plus de formes que vous ! (rires) Plus sérieusement, quelle est l’origine du ballet ?

OLENA : Le ballet a été fondé en 2006 par Vladimir Troshenko à Odessa après l’adaptation de “Casse-Noisette” sur une musique de Tchaïkovsky. À cause de la guerre nous avons du quitter le pays mais je suis originaire d’Ukraine, une ville qui s’appelle Dnipro à 500 kilomètres au sud de Kiev. Vladimir Troshenko est décédé l’an dernier et a dirigé la compagnie durant une quinzaine d’années. Il a adapté plusieurs ballets dont le “Lac des Cygnes” interprété ce soir et “La Belle au Bois Dormant” que nous jouerons à Bordeaux après demain.

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DIEGO : Combien de danseurs êtes-vous pour cette tournée ?

OLENA : Nous sommes 25 danseurs pour cette représentation mais nous ne sommes jamais tous ensemble sur scène. On doit monter à 20 pour certains actes mais les salles dans lesquelles nous nous présentons sont réduites et ne permettent pas d’être plus nombreux. Nous avons environ une quinzaine de mètres de recul sur scène.

 

DIEGO : Si l’un d’entre vous tombe malade, comment faites-vous ?

OLENA : Nous n’avons aucun danseur de réserve et si l’un d’eux se blessent, un autre qui avait un rôle différent le remplacera. Seul bémol, je suis l’une des seules à pouvoir jouer la première ballerine dans la troupe actuelle… je dois faire attention à ne pas me blesser et rester forte !

 

DIEGO : Est-il difficile de devenir première ballerine ?

OLENA : C’est le travail de toute une vie d’efforts et d’entrainements. La première ballerine a plus de responsabilités que les autres filles et un niveau plus élevé en danse. Cela demande un entretien physique quotidien et une hygiène de vie irréprochable. J’ai commencé à l’âge de 6 ans et je m’entraine de 10 heures du matin à 17 heures, parfois plus. On s’octroie un jour de repos par semaine lorsque nous ne sommes pas en tournée, le lundi.

 

DIEGO : Le ballet d’Odessa est-il composé uniquement de danseurs Ukrainiens ?

OLENA : Non. Sur les 25 danseurs, deux sont Tchèques et un est Italien. Les hommes peuvent faire des demandes pour quitter le pays mais il faut avoir une raison valable pour ne pas être réquisitionné, ce qui explique la pénurie de danseurs. Toutes les filles sont Ukrainiennes et me concernant, Dnipro est proche du Dombass dont vous entendez parler régulièrement aux informations.

 

DIEGO : Quel ballet préférez-vous interpréter dans la panoplie proposée par la compagnie ?

OLENA : J’aime tous les ballets que nous jouons. J’aime beaucoup “Le Lac des Cygnes”, “La Belle au Bois Dormant” et “Carmen” mais j’interprète également “Casse Noisette” pour une compagnie Américaine. Elle s’appelle Time Entertainment, je vais jouer aux États-Unis depuis 5 ans en novembre-décembre. “Casse Noisette” est un conte féérique de noël.

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DIEGO : La fin du “Lac des Cygnes” que vous venez d’interpréter est heureuse. Ce n’est pas toujours le cas en fonction des diverses adaptations ?

OLENA : Effectivement. Cette version comprend une fin heureuse et c’est généralement le cas lorsque ce ballet est interprété en Ukraine, Russie et en Asie. Par contre en France et aux États-Unis, la fin peut être dramatique, le prince meurt. Je l’ai déjà joué ainsi aux États-Unis mais en ce moment nous avons besoin d’ondes positives compte tenu de la situation et il est préférable de repartir avec un bon ressentiment.

 

DIEGO : La plus célèbre version étant celle de Noureev dans les années 80 ?

OLENA : Oui et le ballet finissait mal.

 

DIEGO : Je ne peux vous rencontrer sans aborder le thème de la guerre. Comment vivez-vous l’inquiétude et l’absence de votre famille ?

OLENA : C’est difficile. Lorsque le conflit a commencé en février 2022, j’étais à Dnipro et j’ai pris mon fils de 11 ans pour partir au Monténégro. Mes parents nous ont rejoints même si mon frère est resté combattre. Nous avons irrégulièrement des nouvelles, l’ambiance est morose.

 

DIEGO : Est-ce que la chaleur du public Français vous réconforte ? L’hymne Ukrainien chanté en final avec le public debout qui a les larmes aux yeux est un moment incroyable !

OLENA : Oui, cela fait du bien d’être applaudi durant 5 minutes à la fin du spectacle. Nous partageons notre culture et notre amour de la danse.

 

DIEGO : D’autant plus que l’écoute de la musique du “Lac des Cygnes” de Tchaïkovsky est un signe de changement politique pour les Russes ?

OLENA : C’est vrai. Certains disent que nous n’avons pas le droit d’écouter les musiques du Russe Piotr Ilitch Tchaïkovsky ouvertement. Il faut se cacher dans une cave ou s’enfermer dans sa chambre. Cela peut parfois prêter à confusion qu’une compagnie d’origine Ukrainienne interprète son ballet en pleine guerre mais la culture ne doit pas avoir de frontière.

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DIEGO : Avez-vous un message pour votre public Français ?

OLENA : Je suis très contente d’être ici. Merci au public local. J’étais en Ukraine pour les fêtes après mon séjour aux États-Unis de fin d’année et je vais y retourner prochainement. Il est possible que notre compagnie revienne fin 2023 ou début 2024 pour de nouvelles représentations. On se reverra !

 

DIEGO : Sans problème. Merci Olena et bon courage.

OLENA : A bientôt.

  • Remerciements : Arthur de AA-COMMUNICATION
  • Photos : Emma Derrier
  • Relecture : Florence R.