ARNO FUTUR MeL

INTERVIEW #181 – ARNO FUTUR @ DIEGO ON THE ROCKS

INTERVIEW ARNO FUTUR PAR DIEGO*ON*THE*ROCKS

Ancien chanteur des Sales Majestés, Arno Futur continue de produire un rock énervé qui rappelle le meilleur des groupes punks Français des années 80/90. Autoproduit, son nouvel album baptisé “Tout Va Bien” relate une société au bord de l’implosion dans des titres de courtes durées qui vont droit au but. Nouvel habitant de la région Bordelaise, le Breton a accepté de recevoir Diego à la Rock School Barbey. Les photos sont d’Anne Cueff pour Musiques En Live. 

DIEGO : Tu es installé depuis peu sur Bordeaux, ce choix a t’il un rapport avec Les Apaches ? (groupe punk de Floirac dont certains membres collaborent avec Arno)

ARNO FUTUR : Non, il n’y a pas de rapport direct. J’aime Bordeaux pour la ville et la facilité de se rendre à Paris où certains membres de ma famille résident. Par ailleurs, j’ai quelques connaissances locales comme Les Hurlements d’Léo, Nini de Noir Désir et Luc Robène des Hyènes. J’y habite depuis 2021 et la proximité de la mer me rappelle mes origines Bretonnes. Artistiquement après Rennes il y a quelques années, Bordeaux est une belle ville musicale.

 

DIEGO : Si tu devais faire un retour d’expérience de l’album “Cannibal” publié en 2014, quel serait-il ?

ARNO FUTUR : Ça passe vite ! Après Juge Fulton en 2007, il s’agit de mon premier album solo sous le nom Arno Futur qui marque une transition entre mon départ des Sales Majestés et mon envolée solo. Il a un côté “électro-punk” que l’on peut considérer comme “disque-intermédiaire” entre LSM et Arno Futur

P1071584No

DIEGO : D’un point de vue production, l’album “Tout Va Bien” semble plus abouti que “Cannibal” !

ARNO FUTUR : Sur ce dernier disque, je souhaitais un son plus rock n’roll et Laurent Toxic Waste a largement participé au projet. Cette collaboration est née d’un accident devenu une opportunité… nous avons travaillé ensemble et j’en ai profité pour lui présenter quelques idées personnelles. L’osmose fut immédiate, la relation fluide et je remercie chaleureusement Laurent qui a apporté pas mal de morceaux. Il a principalement composé alors que j’écrivais les textes. Ceci explique probablement ton ressenti sur la “matière sonore” de ce disque. Seule exception, le morceau “Les Révoltés” qui est un cadeau de Jean Pierre Bouchaudon (alias Jipi Jungle) du groupe Reviens Fernande qui a accepté que je l’adapte.

 

DIEGO : D’ailleurs “Les Révoltés” ne serait-il pas le morceau phare de cet album ?

ARNO FUTUR : C’est un titre très accrocheur avec un texte de Jean Pierre que je trouve très actuel. C’est un travail d’équipe dans lequel il faut également mentionner Thierry Saul qui a collaboré sur “Un Temps Déraisonnable”.

 

DIEGO : Dans un cadre général, ne sommes-nous pas tous des révoltés ?

ARNO FUTUR : Probablement ! Nous avons matière à nous révolter mais faut-il oser ! Nous avons tous en nous une part de rage et la limite de l’acceptable a été franchie. Il va être temps d’agir ! 

 

DIEGO : Un autre hymne se trouve dans cet album : “En Mode Vénère”. Ce titre rappelle “J’Emmerde La Société” à l’époque des Sales Majestés. On a l’impression que le compositeur a 18 ans et qu’on est dans les années 80 !

ARNO FUTUR : Lorsqu’on écrit un album, on ne sait pas quelles chansons vont sortir du lot. Les années 80 représentent notre jeunesse et on garde probablement des résidus de cette époque. Ça me fait plaisir d’entendre que ce titre sent la jeunesse car le rock n’roll est loin d’être vieux ou has-been. On reste dans l’énergie.

Dès les premiers concerts, le retour du public est important et je te confirme que “Les Révoltés” et “En Mode Vénère” fonctionnent très bien en live ! A contrario, si je devais mentionner un autre titre de l’album qui est notable, ce serait la ballade “Claire Fontaine”. Un contre-pied aux titres habituels punks.

 

DIEGO : La solution est-elle dans la révolte et l’anarchie ?

ARNO FUTUR : L’anarchie n’est pas obligatoirement le bordel. Elle représente le fait d’être contre les ordres mais aujourd’hui on peut se demander si ce n’est pas la seule solution. Le dialogue social n’existe plus, le choix des gens n’est pas respecté et on te balance des 49-3 à tire-larigot. Une société explose si elle n’a plus le droit à la parole. En 1789, il n’y a pas que le roi qui était remis en cause mais également le système. Actuellement on a une démocratie avec un roi… attention aux têtes qui peuvent tomber ! Certes mieux vaut être en France qu’en Chine ou en Russie mais la terreur n’a pas à être acceptable parce que c’est pire ailleurs. J’ai un morceau qui s’appelle “Je Suis Un Problème” (de 2014) qui laisse entendre que nous ne sommes pas un problème mais plutôt la solution. Notre société est sclérosée par les élites, il faut que ça pète en bas ! La pochette de mon disque représente ce sentiment, nous sommes sur un baril de poudre qui peut exploser à tout moment.

DIEGO : Parle-moi de la chanson “Claire Fontaine” sortie récemment en vidéo et dont tu as préféré la version soft ?

ARNO FUTUR : C’est un morceau écrit au piano. J’aime cette version dans laquelle je chante avec ma compagne Dominique Tran-Quy. J’avais fait le même exercice avec ma fille Cassandre sur le titre “Serial Killer” sur l’album précédent. J’aime ce décalage permettant de sortir des idées reçues. Il y a également Jean Michel Mota de la Cafetera Roja au violoncelle qui a joué avec Pierre Perret. L’ingénieur du son de l’album est Lionel Gaillardin, guitariste du groupe Il Était Une Fois dans les années 70. Tout ça pour dire que j’aime sortir des sentiers battus. Concernant “Claire Fontaine”, il y a aura prochainement un deuxième clip avec la version plus rock n’roll.

 

DIEGO : D’ailleurs tu ne te baignes pas dans la fontaine mais tu t’y noies !

ARNO FUTUR : Oui c’est la petite subtilité ! J’ai composé la mélodie et c’est Julie Dossini qui a adapté le texte sur l’idée de la célèbre comptine. 

P1071715

DIEGO : Dans ta chanson “J’Ai Besoin”, n’a t’on pas besoin de bonnes nouvelles le matin plutôt que de penser à l’insurrection ?

ARNO FUTUR : L’insurrection peut aussi être une bonne nouvelle ! 

DIEGO : Effectivement ! Bonne réponse d’Arno Futur ! (mort de rire) 

ARNO FUTUR : J’ai écrit cette chanson un matin où je n’avais pas la pêche. Evidemment il y a un peu de cynisme dans le texte mais oui, nous avons besoin de bonnes nouvelles, qui plus est par les temps qui courent !

 

DIEGO : Quels sont tes sujets de prédilection ?

ARNO FUTUR : Les mêmes que ceux que chantaient les groupes de mon adolescence comme Berurier Noir, Wampas, Cadavres et les Sheriff. Ces sources sont variées et cette disparité se retrouve dans “En Mode Vénère” comme dans “Claire Fontaine” qui représentent deux mondes opposés. Le romantique et la nostalgie peuvent me toucher.

 

DIEGO : La pauvreté est également un sujet récurrent ! “Sois Pauvre Et Tais-Toi” en 2010 !

ARNO FUTUR : La misère est partout et une fois on m’a demandé pourquoi je n’écrivais pas de chansons d’amour… j’ai répondu que l’époque ne s’y prêtait pas ! Malheureusement. 

 

DIEGO : J’ai récemment interviewé Didier Wampas et lui ai demandé quels rockers composeraient son gouvernement s’il devenait roi de France ! Il m’a dit que Loran Béru ferait un bon premier ministre, quel secteur t’intéresserait ? (rires)

ARNO FUTUR : Sans hésitation : Ministre de la culture alternative ! (rires)

 

DIEGO : Une certitude tu serais moins transparent que Bachelot ! Plus sérieusement, comment est née la collaboration sur la chanson “Lucette” avec Didier ?

ARNO FUTUR : Nous nous connaissons bien depuis 2007 même si nous avions souvent partagé des affiches pour des concerts. Didier étant fan des musiques 60’s, il  a été contacté par Christophe Crénel co-auteur de l’album “Cannibal”. Il a proposé cette collaboration et l’avantage d’avoir Lionel Gaillardin pour mon nouvel album l’a d’autant plus motivé. On aimerait la jouer sur scène tous les deux. L’enregistrement durant la Covid a été mouvementé car nous n’avons jamais été ensemble pour finaliser le titre.

DIEGO : Lucette”, une femme de plus dans le répertoire de Didier Wampas ! Dans tes potes il y a aussi les Hurlements d’Léo ?

ARNO FUTUR : Oui ! J’adore ces gens rencontrés après mon départ des Sales Majestés. Ils m’ont proposé de participer à l’album hommage pour Mano Solo et je suis venu en invité sur une dizaine de dates durant la tournée correspondante. Cela m’a permis de découvrir le monde méconnu de Mano qui est du même niveau que Ferré, Brel et Brassens, le top du top !

 

DIEGO : Quels souvenirs conserves-tu des 25 années passées avec Les Sales Majestés ?

ARNO FUTUR : Plutôt 30 ans que 25 car le groupe a été créé en 1981. Tu as raison dans le sens où le premier album n’est sorti qu’en 1995 (“Bienvenue”). Je ne conserve que les bons souvenirs de cette période qui m’a permis de rencontrer énormément de gens fantastiques. Malheureusement le guitariste Yann est décédé en 2015. Même si la rupture ne fut pas très agréable, je ne garde que le “verre à moitié plein” en mémoire, le meilleur de cette belle aventure.

P1071694 anneouiart

DIEGO : As-tu prévu une tournée pour défendre “Tout Va Bien” ?

ARNO FUTUR : Oui, on a joué à Sélestat et Saint Macaire en fin d’année, nous serons à Charleville-Mézières le 11 février et au festival d’Asques organisé par les Apaches les 2 et 3 juin. D’autres confirmations sont à venir pour 2023. Après je précise que je refusais de jouer pendant la pandémie à cause du pass vaccinal. 

 

DIEGO : As-tu un rituel avant d’entrer sur scène à part porter ta combinaison de travail ? 

ARNO FUTUR : Elle est belle ma cotte ! Le rituel est que ma compagne Dominique me masse car c’est son métier. Cela détend et concentre. Parfois je fais des mouvements d’art martiaux que je pratique depuis longtemps.

 

DIEGO : Pour finir, quels sont les meilleurs concerts que tu as vécus en tant que spectateur ?

ARNO FUTUR : Sans hésiter The Lords Of The New Church en 1982 à l’Eldorado de Paris. J’avais une quinzaine d’années et ce groupe m’a donné envie de jouer. J’ai beaucoup aimé les Sheriff, les Wampas, les Écossais Waterboys et OTH. La tournée de U2 en 1983 était également révolutionnaire car le son était incroyable. J’ai raté Thin Lizzy que j’adorais. Si je ne devais garder qu’un album : “Renegade” de Thin Lizzy sorti en 1981. The Clash aussi étaient de vrais punks ! D’ailleurs j’ai rencontré Mick Jones pour une radio, un souvenir impérissable. 

 

DIEGO : Tu m’étonnes, la classe ! Merci Arno, bonne année 2023 et plein de concerts ! 

ARNO FUTUR : Salut Diego !

  • Remerciements : Arno Futur / Dominique 
  • Photos : Anne Cueff pour Musiques En Live et Anne Ouiart.
  • Relecture : Jacky G.