CHARLIE WINSTON MeL

INTERVIEW #178 – CHARLIE WINSTON @ DIEGO ON THE ROCKS

INTERVIEW CHARLIE WINSTON PAR DIEGO*ON*THE*ROCKS

Révélé par le single “Like A Hobo” en 2008, l’auteur-compositeur-interprète Charlie Winston publie régulièrement de nouveaux albums en conservant l’estime de ses pairs et de la presse hexagonale. A 44 ans, l’Anglais revient avec un album réalisé par Vianney dans lequel on retrouve Ibrahim Maalouf. Pour Musiques En Live, Diego et le photographe Laurent Robert ont rencontré le sympathique artiste avant son concert au Krakatoa pour défendre son 5ème disque, le bien-nommé “As I Am”.

DIEGO : Est-ce un avantage ou un inconvénient d’avoir sorti un super-tube (“Like a Hobo”) en début de carrière ?

CHARLIE WINSTON : Il est difficile de comparer mon histoire avec celle d’un autre et imaginer comment aurait été ma carrière sans ce tube. Je ne sais pas. Pour beaucoup, elle a commencé avec ce titre en 2008 mais j’étais dans un groupe avec mon frère Tom Baxter quelques années auparavant. Néanmoins je suis très reconnaissant au public de ce succès et cela ne peut pas être un inconvénient !

 

DIEGO : A cette époque tu as côtoyé Peter Gabriel et intégré son label Real World. Comment la rencontre a t’elle été possible ?

CHARLIE WINSTON : Grâce à mon frère pour lequel je jouais de la basse. Tom était signé par la major Sony pour son premier album et nous avons enregistré dans le studio de Peter Gabriel qui était présent certains jours. J’ai connu deux des enfants de Peter, sa fille Mélanie et son fils Isaac qui n’avait que 4 ans à l’époque. Lors d’une remise d’Award pour l’ensemble de sa carrière à Londres, j’ai joué le baby-sitter pour Isaac et en ai profité pour glisser mon CD. Voilà comment j’ai intégré son label, en lui rendant service !

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DIEGO : Qu’est-ce que ton dernier album “As I Am” sorti le 30 septembre dernier a de particulier que les autres n’ont pas ?

CHARLIE WINSTON : Un gros travail intérieur. Cet album reflète une envie de changement, même si tous mes albums sont personnels, celui-ci me réoriente sur une nouvelle trajectoire suite à quelques soucis médicaux. Les étoiles étaient bien alignées en même temps que la crise Covid ce qui m’a permis d’être concentré au maximum pour travailler mes chansons et parler de choses intimes comme ma relation avec ma femme et mes enfants. J’ai laissé venir naturellement l’inspiration.

 

DIEGO : Composes-tu tes morceaux au piano ou à la guitare ? Il me semble qu’il y a beaucoup de piano dans ce disque !

CHARLIE WINSTON : Je compose avec les deux instruments. Effectivement “As I Am” est très piano et c’est le premier instrument que j’ai appris. J’ai commencé à 10 ans alors que je ne me suis mis à la guitare qu’à 22 ans ! En temps normal, j’utilise la guitare pour composer car c’est plus facile à emmener. Récemment, je souhaitais mettre le piano en premier plan.

 

DIEGO : D’ailleurs pour la guitare, est-ce un point commun avec Vianney qui est le réalisateur ? Le titre “Algorithm” transpire sa patte sonore !

CHARLIE WINSTON : Oui. Initialement ce titre n’était pas prévu et n’avait pas de démo pour l’album. Vianney l’a entendu et a immédiatement su comment il fallait arranger “Algorithm”, cela s’entend !

 

DIEGO : Doit-on avoir peur des algorithmes dans nos vies en 2022 ?

CHARLIE WINSTON : L’idée de cette chanson mélange une histoire d’amour et l’inutilité des algorithmes. Parfois certains objets peuvent avoir une double utilité, tout est une question de choix et il faut faire le bon ! Suivre les règles c’est bien mais cela n’empêche pas la réflexion et les variantes.

 

DIEGO : Et tu as également rencontré Ibrahim Maalouf pour ce disque. Comment est venue l’idée ?

CHARLIE WINSTON : Nous nous sommes rencontrés lors d’un festival en 2017 et le courant est bien passé. La collaboration fut une évidence et “Dont’ Worry About Me” sur lequel Ibrahim pose sa trompette est l’un des premiers morceaux de l’album a avoir été composé. Une envie mutuelle de bosser ensemble.

DIEGO : Le titre “Exile” est-il une déclaration d’amour à la France ?

CHARLIE WINSTON : Un peu ! J’habite en France et malgré mes origines Britanniques, j’aime votre pays. On me demande toujours pourquoi j’aime la France mais jamais pourquoi j’aime l’Angleterre ! (rires)

J’ai grandi ailleurs mais ai été accroché par votre pays d’autant plus que mon épouse est Française ! C’est aussi un exil dans ma tête, comme l’échappatoire imaginatif lorsqu’on est enfant.

DIEGO : Lorsque tu regardes le crunch au rugby Angleterre-France, tu supportes qui ? (rires)

CHARLIE WINSTON : Je ne le regarde pas ! Question piège ! Je supporte les deux… 

DIEGO : Même réponse que le Gallois Michael Jones à qui j’avais posé la question !

CHARLIE WINSTON : Pose la question à Vianney qui est plus sportif que moi ! Personnellement je fais un peu de footing pour entretenir ma ligne mais je ne regarde pas le sport. 

 

DIEGO : Dans “Letter From My Future Self”, tu imagines être en 2063. On aimerait tous s’observer dans le futur ou le passé avec un regard curieux !

CHARLIE WINSTON : Dans le cadre d’un processus créatif, je m’écris des lettres que je reçois et relis. Lorsqu’on est plus âgé, on est censé être plus sage donc j’ai voulu imaginer comment je serai. En fait, il faut vivre sa vie comme elle vient sans trop se poser de questions, sans s’inquiéter. Le message de “Letter From My Future Self” se veut rassurant. Certaines applications sur smartphone permettent de se vieillir ou de se rajeunir, j’ai essayé et le résultat était visuellement satisfaisant !

DIEGO : Profiter de chaque jour est un leitmotiv !

CHARLIE WINSTON : Exactement ! Le bonheur est toujours disponible ! 

 

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DIEGO : J’aime beaucoup la chanson “Limbo” dans ton dernier album. D’où vient-elle ?

CHARLIE WINSTON : C’est une des graines émotionnelles de l’album. Textuellement “Limbo” c’est les portes de l’enfer, et c’est l’endroit où tu peux encore changer les choses avant qu’il ne soit trop tard. Les paroles sont floues et ambiguës, comme une envie de voir son reflet dans un miroir et de prendre les choses en main, pour toi et pour tes proches. Par exemple, on apprend à devenir père mais faut-il déjà être en mesure d’assumer la fonction. (NdA : “Limbo” signifie limbes en Français.)

 

DIEGO : Tu as perdu ton fidèle chapeau ?

CHARLIE WINSTON : Ce n’est pas un costume. Effectivement je portais tout le temps un chapeau dans les années passées. “As I Am” est comme je suis, sans chapeau ! 

 

DIEGO : Quelles musiques écoutais-tu lorsque tu étais adolescent ?

CHARLIE WINSTON : Il y en a énormément ! J’ai grandi dans une famille musicale et je peux t’en citer beaucoup : Beastie Boys, NWA, Louis Armstrong, Beethoven, Nick Cave, U2, Prince, Michael Jackson, Miles Davis, John Coltrane, Keith Jarreth, John Adams, Bob Marley… en fait je fonctionne par période et ai beaucoup d’influences, même classique, électronique et reggae. 

 

DIEGO : Il y a des endroits en France que tu affectionnes particulièrement ?

CHARLIE WINSTON : Je vis à côté de Nice mais j’aime beaucoup la nature. J’adore les Gorges du Verdon, l’Ardèche, les Alpes. Je skie peu et les rares fois où j’y suis allé c’était pour des concerts. Je fais attention à ne pas me blesser, problème d’assurance pour les spectacles ! J’ai beaucoup joué à Avoriaz et au Verbier.

 

DIEGO : As-tu un rituel avant d’entrer en scène ?

CHARLIE WINSTON : Me chauffer la voix. Avant je buvais un shot genre whisky ou rhum, maintenant je fais attention. Je me prépare intérieurement à avoir un esprit ouvert pour les gens. Après on se fait un petit câlin avec l’équipe…

 

DIEGO : Quels sont les meilleurs concerts auxquels tu as assisté en tant que spectateur ?

CHARLIE WINSTON : J’ai adoré Bon Iver à Los Angeles en 2012. Je suis fan du groupe Anglais Noisettes dont la chanteuse a une voix sublime. Dan Smith le guitariste a collaboré sur “As I Am” et l’ancien batteur Jamie Morrison a également travaillé pour moi. Je peux également te citer le groupe Pink Oculus et Leonard Cohen à Glastonbury, un moment incroyable.

 

DIEGO : Merci Charlie, belle tournée en espérant te voir en festival en 2023 ! 

CHARLIE WINSTON : Merci à vous deux. 

  • Remerciements : Marie du Krakatoa
  • Photos : Laurent Robert
  • Relecture : Jacky G.