DUTRONC ET DUTRONC MeL

INTERVIEW #174 – THOMAS DUTRONC @ DIEGO ON THE ROCKS

INTERVIEW THOMAS DUTRONC PAR DIEGO*ON*THE*ROCKS

On ne présente plus la famille Dutronc ! En 2022, père et fils ont l’idée de réunir leurs talents respectifs afin de revisiter leurs répertoires et proposer au public un spectacle inédit rappelant 6 décennies de musique. Avant leur concert très attendu le 6 décembre à l’Arkea Arena de Floirac, Thomas a accepté l’interview avec Diego pour Musiques En Live. L’album commun père-fils sort le 4 novembre.

Votre chroniqueur remercie très chaleureusement l’artiste pour sa simplicité et la qualité de leur échange.

DIEGO : As-tu déjà foulé les planches de la superbe Arkea Arena de Floirac en Gironde ?

THOMAS DUTRONC : Non, J’ai joué au Théatre Fémina il y a quelques années et devais repasser pour la tournée “Frenchy”. Je me suis également déjà produit au casino en ce qui concerne la région Bordelaise.

DIEGO : N’étant pas chauvin, l’Arkea Arena est probablement la plus belle acoustique de France ! (rires) Une des salles les plus récentes inaugurée par Depeche Mode en 2018…

THOMAS DUTRONC : Génial ! Ce n’est pas toujours le cas avec les salles modernes. Par exemple la “petite salle” de la Scène Musicale à Paris n’est pas extraordinaire… on a des gens derrière soi et l’appréciation du volume peut paraitre bizarre. Enfin, vivement le concert de Bordeaux !

DIEGO : Aussi impatient que toi ! Quel retour d’expérience fais-tu de la tournée “Frenchy” terminée en décembre dernier aux Folies Bergère de Paris ?

THOMAS DUTRONC : C’était super cool. Une équipe de musiciens qui rigolent bien. Malheureusement ce disque a été enregistré pour des concerts à l’international et à cause de la Covid, nous n’avons pas pu joué aux Etats-Unis, en Corée, au Japon, en Angleterre et en Allemagne comme prévu… rien n’a été possible et l’idée de toutes ces collaborations était de jouer à l’étranger.

DUTRONC 2

DIEGO : Ce qui explique la réédition de l’album avec un disque supplémentaire comprenant uniquement des collaborations Françaises ? (contrairement au disque d’origine qui propose Iggy Pop, Diana Krall, Billy Gibbons, Stacey Kent, Haley Reinhart et Jeff Goldblum en featuring)

THOMAS DUTRONC : Exactement ! L’idée de reprendre des standards Français avec des stars internationales a été revue différemment et la maison de disques m’a demandé des bonus. Nous avons fait appel à Katerine, Jane Birkin, Etienne Daho, Eddy Mitchell, Clara Luciani et mon père pour la réédition. 21 titres au total au lieu des 14 prévus. Cet album a connu deux vies.

DIEGO : D’ailleurs comment as-tu rencontré Jeff Goldblum, connu comme acteur dans “La Mouche” et “Jurassic Park”, mais plus anonyme dans l’hexagone en pianiste et chanteur de jazz !

THOMAS DUTRONC : Chez Michel Drucker assis sur le canapé rouge ! Par ailleurs, il a tourné avec une amie commune d’origine Irlandaise Imelda May. La femme de Jeff est Francophone et Billy Gibbons est une amie à lui.

DIEGO : Dans l’actualité plus récente, réarranger les titres de Jacques et Thomas Dutronc pour cette nouvelle tournée, est-ce difficile ou beaucoup de plaisir ?

THOMAS DUTRONC : C’est du plaisir, du travail agréable pour des passionnés. Les interrogations fusent dans le cadre d’une remise en question et l’avantage d’être en tournée permet de perfectionner nos réarrangements et polir les chansons. C’est d’autant moins facile pour les titres de mon père qui doivent conserver leur énergie originale tout en étant revisités. Le son doit être actuel tout en restant fidèle à la chanson…

DIEGO : L’une des plus connues est “Les Cactus” et on imagine mal ce titre sans sa rythmique légendaire !

THOMAS DUTRONC : Toujours difficile de lutter avec les versions originales. On ne peut pas faire mieux, seulement les lire autrement. D’ailleurs c’est la maison de disques qui a voulu cet exercice car mon père était réfractaire. J’ai du insister auprès de lui… un disque de reprises permettait d’alimenter la tournée qui était actée. Reprendre tous ces titres a permis de travailler les morceaux pour les jouer sur scène. L’un nourrit l’autre et cela a fait bosser mon père sur mes chansons ! Initialement il n’en chante qu’une, j’ai réussi à lui en faire bosser d’autres pour l’album qui sort en novembre… (rires)

DIEGO : Normal, il est à la retraite ! (rires)

THOMAS DUTRONC : C’est ça ! On va pas trop le brusquer…

DUTRONC 1

DIEGO : Durant la tournée des festivals et celle des salles à venir, tu es “musicien” de ton père ou vous êtes un duo ?

THOMAS DUTRONC : Au départ il voulait qu’on chante chacun notre tour nos chansons… je l’ai convaincu qu’il s’agissait d’un partage et que le public voulait nous voir nous amuser ensemble. Il n’y a pas que des duos et nous avons nos moments intimes même si je reste guitariste pour ses chansons. L’équipe de musiciens est incroyable et je trouve sincèrement que mon père chante de mieux en mieux au fil des dates… nous en avons fait une quinzaine cet été.

DIEGO : A cet effet, j’ai toujours trouvé que Johnny chantait mieux en fin de carrière qu’en début !

THOMAS DUTRONC : Carrément, je suis entièrement d’accord avec toi. “Que Je T’aime” et “Toute La Musique Que J’aime” sont mieux chantées sur les dernières tournées qu’à la grande époque. Cela m’a donné confiance pour la suite de ma carrière ! (rires)

DIEGO : Le souci étant qu’il faut fumer et boire autant que Johnny et ton père, c’est pas gagné…

THOMAS DUTRONC : C’est pas évident d’être à leur niveau, pourtant je m’entraine ! Ils sont fous ces anciens… (rires) Lorsque je suis en voiture avec mon père, je suis asphyxié ! C’est la mort !

DIEGO : D’ailleurs le cigare n’est pas simplement une image que se donne Jacques Dutronc !

THOMAS DUTRONC : C’est clair, c’est sa vie… le premier vers 11 heures du matin et il peine à tenir 2H30 en voiture sans en allumer un…

DIEGO : Parlons également de Françoise Hardy dont j’ai toujours aimé l’un des albums chanté en Anglais sorti en 1972 (“If You Listen”). Quelles sont tes chansons préférées ?

THOMAS DUTRONC : Mes titres préférés de sa discographie sont “La Question” de 1971 et “Que Tu M’enterres” sorti en 1980. Néanmoins j’adore également les classiques “L’Amitié”, “Mon Amie La Rose”, “L’Or Bleu” et “Ma Jeunesse Fout Le Camp”.

DIEGO : Quels souvenirs gardes-tu des personnages disparus comme Henri Salvador et Jacno ? Volontairement j’ai choisi deux artistes diamétralement opposés avec qui tu as collaboré…

THOMAS DUTRONC : Différents mais géniaux ! Henri était très drôle et doté d’un talent fabuleux. Je découvre encore certains titres aujourd’hui… un grand musicien, guitariste et mélodiste. Ce niveau de musique me semble ne plus exister… on ne peut pas comparer J.S. Bach avec la musique urbaine actuelle mais Henri Salvador était un génie du swing. Sa version de “Maman Tu Es La Plus Belle Du Monde” est incroyable au niveau des arrangements. L’originale est Italienne de Marino Marini dans le style des Shadows (60’s).

Avec Jacno, nous déconnions bien ensemble. Un homme avec un grand coeur qui avait du talent et à la formule marrante. Il représente une partie de nos années 80.

DIEGO : Quel fut ton déclencheur musical, tes parents ou Django Reinhardt ?

THOMAS DUTRONC : Avec mes potes, nous écoutions beaucoup de musique. J’ai également découvert plein de trucs dans la discothèque familiale comme Elvis, Gene Vincent et Chuck Berry. Egalement Jimi Hendrix dont les disques m’ont plu immédiatement. Le rap de Eazy-E, Public Enemy et Ice T puis le métal sont venus avec mes copains. Après avoir obtenu mon bac à 17 ans, j’ai commencé à m’intéresser à la musique classique et au jazz. Après j’ai découvert Brassens puis la guitare alors qu’initialement j’étais parti pour une formation cinématographique. Cet instrument m’a sauvé pour devenir une passion. J’ai commencé en reprenant Bob Marley et George Brassens.

DIEGO : A cet effet, tu mets en ligne des méthodes d’apprentissage pour la guitare ?

THOMAS DUTRONC : Oui, j’ai commencé ainsi avec des copains style “Hippie” en Corse avant de prendre des cours de guitare. J’ai compris qu’il n’y avait pas que la pop Américaine et le blues qui permettaient à la guitare de s’exprimer… Brassens, Paco De Lucia, Django m’ont bouleversé. J’ai rencontré Stochelo Rosenberg, Angelo Debarre, Romane, Florin Niculescu… ils ont un niveau incroyable.

DIEGO : Comme dirait Michel Sardou, nous vivons une époque “de merde” et nous pouvons être nostalgiques de nos années 80 !

THOMAS DUTRONC : J’ai adoré son discours même si je ne suis pas fan de l’artiste. Après je connais plein de jeunes de 20/30 ans détestant Paris qui écoutent la musique des 60/70’s genre Creedence Clearwater Revival. Malheureusement l’argent est le moteur du monde et les choix musicaux en dépendent… lorsqu’à 50 ans pour 10 euros par mois tu peux écouter Dutronc, Cabrel, Chopin, Led Zeppelin en mode “basse consommation” et que les jeunes découvrent des musiques urbaines du matin au soir, ton abonnement est mélangé dans la répartition des droits d’auteurs. Le peu d’écoute des “anciens” est noyé dans le nombre de streamings faramineux des jeunes alors que les royalties ne vont pas aux artistes concernés… autant dire que nous devons faire des concerts pour continuer ! Nous sommes les derniers mohicans ! Le problème me semble plus Français qu’Américain dans la répartition des droits. Nous ne savons pas swinguer ni groover et la musique hexagonale n’est pas très riche. Vive Jack White et Bruno Mars ! Nous sommes le deuxième consommateur de musique en masse monétaire et n’existons que par la musique urbaine. Aux USA, outre le rap il y a la pop, le rock et surtout la country.

DIEGO : Sur scène avec ton père vous affichez un gros panneau “Corsica Band” !

THOMAS DUTRONC : Oui c’est dingo ! Souvent j’y habite et beaucoup de jeunes chantent des chansons Italiennes sur le pas de l’église avec une guitare. Ils aiment également Dire Straits et n’ont pas copié la mode “rap” des Etats-Unis. La vie est plus agréable là-bas et ce panneau rappelle nos affinités sans avoir de signification particulière revendicative.

DIEGO : Quels sont les meilleurs concerts que tu as vécus en tant que spectateur ? Ceux pour lesquels tu as pris une claque !

THOMAS DUTRONC : L’un des derniers c’est ZZ TOP au zénith de Paris. Même s’il n’a duré qu’une heure et quart, j’ai trippé comme un fou alors que j’avais peur d’un concert “vieillot”. Après, j’aime les concerts courts. Ils jouent superbement de la guitare et ne se prennent pas au sérieux, le bassiste Dusty Hill était encore vivant ! (NdA : décédé en juillet 2021). D’ailleurs cela m’a rappelé l’un de mes premiers spectacles et qui n’a rien à voir à 13 ans,  c’était Les Superstars Du Catch à Bercy. Une ambiance rigolote que j’ai retrouvé avec ZZ TOP.

Sinon l’un de mes premiers concerts : Les Stray Cats à Paris dont je garde un excellent souvenir. Également Eddy Mitchell à l’Olympia à la fin des années 90. Je l’avais déjà vu avec ma mère vers l’âge de 6, 7 ans mais ne comprenais pas tout. J’ai su après qu’il avait des chansons merveilleuses. Étant musicalement difficile, il y a plein de gens avec qui je n’ai pas pris de grosse claque en concert ! Prince m’a ennuyé… il n’a pas joué un titre connu et se la raconte ! Personnellement je préfère Michael Jackson !

DIEGO : Moi aussi ! Vu en 1992 à Paris !

THOMAS DUTRONC : Cool ! On aime tous les albums “Girls And Boys” et “Dirty Mind” de Prince mais l’attitude m’a pris la tête. Un manque d’humilité et c’est pour cela que j’ai aimé ZZ TOP. Après le dernier concert de Stochelo Rosenberg que j’ai vu était extra mais on est dans le jazz manouche. Paco de Lucia est également énorme !  C’est de la musique pointue et cela me parle beaucoup…

DIEGO : Merci beaucoup pour cette interview Thomas, j’espère te croiser à Bordeaux en décembre après le concert avec ton père.

THOMAS DUTRONC : Pas de problème ! Merci à toi. On boira un coup ensemble…

  • Remerciements : Pauline Gluzman pour The Publicists / Thomas Dutronc
  • Photos : Page officielle de l’artiste
  • Relecture : Jacky G.