DON QUISHEPP

DON QUISHEPP – EXPO & THEATRE @ FRANCK HERCENT

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Le week-end du 19-20 octobre sera un week-end poétique. Les bordelais pourront visiter, au bien nommé Château Méric-Chante L’oiseau de la Brède dans le cadre des journées portes ouvertes des Grands Vins de Bordeaux Graves, l’exposition de toiles jazz réalisées par Isabelle Dion illustrant le livre DON QUISHEPP. Durant ces 2 jours, 67 châteaux ouvrent leurs portes et offrent visites, dégustations et animations. Isabelle Dion, formatrice et peintre, offre au spectateur une palette délicate traduisant bien l’univers parfois surréaliste et symbolique ou parfois impressionniste ou même hyperréaliste du livre éponyme. 

En effet, nous nous sommes attachés dans cette production en duo à créer de nouvelles images signifiantes, à traduire esthétiquement, plastiquement la poésie et les métaphores du texte originel. A l’aise dans plusieurs courants comme dans différentes factures picturales, Isabelle Dion est friande de techniques mixtes : huiles, acryliques, résines, transferts d’images, craquelures, utilisations de matériaux bruts, etc. pour créer in fine un univers qui permette une lecture à la fois narrative et figurative mais en ouvrant sur un univers onirique proche du conte symbolique et du trompe l’oeil.

Dans la toile intitulée le « Saxodron », on voit un chaudron ancestral de « potion magique » en forme de saxophone géant contenant toutes les influences qui inspireront le futur DON QUISHEPP : Arthur Rimbaud, Charlie Parker, Victor Hugo, Mc Coy Tyner, Malcom X, Duke Ellington, William Shakespeare et John Coltrane. D’autres toiles, comme le « Saxographe » ou  « Plumophone » et le « Saxocktail » sont en cours de réalisation. Trane trône aussi dans une magnifique lumière bleue ou encore le philosophe Michel Onfray entouré d’Epicure, de Spinoza et de Nietzsche.

Le 20 octobre, sous l’égide de la communauté de communes du Val d’Adour, ce sera également encore une nouvelle version du CAS SHEPP qui sera présenté à la salle des fêtes de Villenave près Béarn en lecture/spectacle à 16 h sous la houlette de Rosemonde Cathala (la Compagnie de la rOse) accompagnée par Jean-Luc Fabre à la contrebasse et Mathieu Samani aux saxophones. Adapté de l’ouvrage DON QUISHEPP (éditions EDILIVRE) dont la mise en scène au prestigieux festival JAZZ IN MARCIAC pour le bicentenaire de la naissance de l’inventeur du saxophone constitua un tournant décisif pour ce livre résumant l’histoire du jazz, un avant et un après JIM en quelque sorte, comme il y eut un avant et un après John Coltrane. Cette nouvelle mise en scène revient à l’essentiel : la musicalité du langage comme miroir de cette musique inouïe qu’est le jazz véritable.

 

Comme on offre un bijou,

Il grava ce précepte

Appelé « Principe » ou

” Théorème d’Archie Shepp “

 

” Tout corps plongé dans le

Swing subit une poussée

Verticale vers les cieux,

Bref, se sent décoller.

 

Grâce à cette envolée, 

Ascension insensée,

En pleine voie lactée 

On s’en va rêvasser. “

 

La prouesse de l’interprétation de Rosemonde est de redonner au texte sa légèreté originelle, de faire oublier toutes les contraintes syntaxiques et métriques pour faire advenir la mélodie pure du texte. L’enthousiasme de l’inspiration. Le jaillissement vertical de la poésie sous l’apparente horizontalité de la narration. On oublie même que le texte est en alexandrins versifiés, le procédé de « l’écriture jazz » ou « jazz writing » fonctionnant ici à plein pour nous libérer de toute pesanteur et se laisser bercer (bercement quasi intra-utérin d’une langue-mère originelle) uniquement par la prosodie constituée des assonances, des allitérations (fricatives, sibilantes, plosives ou sifflantes et chuintantes…) et des rimes harmoniques à l’hémistiche qui viennent scander les images. La musique et les métaphores sont ici consubstantielles. Mises en abîme, les lettres de l’alphabet sont les notes de la partition comme l’ont si bien illustré les poètes de la célèbre Beat Génération. Cet été, un extrait était diffusé dans le cadre du projet “Lire en jazz” dans l’émission OPEN JAZZ d’Alex Dutilh sur FRANCE MUSIQUE  et durant le festival JAZZ IN MARCIAC ainsi qu’à l’ASTRADA. Dans DON QUISHEPP, la mélodie surgit des phrases comme un tableau dans le tableau. Comme une écriture invisible mais présente, double jeu du signifiant. Comme cela se fait depuis la nuit des temps. Nous développerons cet aspect ludique et crypté de la poésie dans le film FREE (toujours en cours de réalisation…) et le livre CHAMAN.

Ces fameuses « sheets of sounds », littéralement, ces « nappes de sons », style musical inventé par John Coltrane,  sont autant de vagues sonores qui viennent bercer l’auditeur. Qui sont égrenées tout au long de l’aventure comme un arpège, parfois à toute vitesse surfant sur les jeux de mots, les figures de style et les calembours, parfois en toute douceur pour laisser l’oreille se reposer sur la plage sémantique qu’irradie le soleil de la poésie.

On se retrouve donc embarqué sur l’océan du jazz – « sentiment océanique » si l’on veut – avec ces figures tutélaires que sont un John Coltrane de cette période éternelle du jazz modal Post-Bop, avec, en creux, Miles Davis et Thelonious Monk mais aussi, bien entendu, le père du BOP, Dizzy Gillepsie ou encore Duke Ellington, Django Reinhardt, Charles Mingus, Charlie Parker, Sun Ra, Cecil Taylor, Paul Bley et Carla Bley, Ornette Colman, tous contributeurs et fondateurs du FREE…

On suit le périple mouvementé du protagoniste principal de l’histoire sur les flots de l’histoire sociale et politique de l’Amérique de l’époque : Archie Shepp campe ici un héros aux multiples facettes. Le célèbre saxophoniste américain, dieu du jazz, se mue en un personnage conceptuel car il incarne à lui seul ce que peut être la métaphysique du jazzman authentique : un DON QUISHEPP dont la quête existentielle est de combattre les injustices. De révéler sa « New Thing », sa nouvelle chose, aboutissement d’une longue recherche. Sa trouvaille. Son Eurêka ! Sa « bonne nouvelle » diront certains, pendant que Martin Luther King, Joan Baez et Malcom X marchent sur Washington. Comme le héros de Cervantès, il va, par ses actions d’éclat, ses textes, ses déclarations, ses engagements et la beauté de son art être de toutes les conquêtes. Dès après sa rencontre mythique avec son mentor John Coltrane, il n’aura de cesse, tel Ulysse voguant sur l’onde d’aller d’aventures en aventures. Artiste complet, écrivain, compositeur, musicien, dramaturge, troubadour, chanteur et enseignant dans les écoles puis à l’université d’Amherst (Massachusetts), DON QUISHEPP montre, dévoile, révèle ce qu’est un artiste qui se joue d’une société du spectacle fabriquant, à coup d’effets de manche, de fausses idoles aussi éphémères que divertissantes… Une sorte de guide philosophique. La vie jazz, mode d’emploi, en quelque sorte. On pourrait, par exemple, écouter, pour mesurer l’étendue de sa maîtrise technique, cette version de Parker’s mood dans laquelle il transcende littéralement Bird.

On vit donc le périple d’Archie Shepp fait par 2 fois Docteur Honoris Causa des universités de Liège et de Paris 8 après une carrière où il a tutoyé les sommets loin de la moraline ambiante. On analyse le « Cas Shepp », cas universel qui n’est pas sans rappeler l’ouvrage d’Alain Gerber intitulé Le cas Coltrane, créateur prolifique, comme pour comprendre les ressorts de sa psyché et s’en servir de modèle. Comme un mentor qui n’aurait jamais menti et encore moins prêt à se laisser corrompre par les sirènes faciles de la malhonnêteté. Fût-elle une malhonnêteté qu’intellectuelle. Certainement la pire… Et son cortège de rhétoriques utilitaires et fallacieuses. L’ingénieux DON QUISHEPP, c’est un Cyrano, c’est un Rimbaud, un artiste nietzschéen, un Socrate, un Spinoza, un dinosaure du swing qui nous plonge en un temps primordial pour nous donner, de toute éternité, ce souffle vital originel indispensable : verticalité existentielle de la poésie et moulins de la transcendance. « Tous les hommes en quête se reconnaîtront » comme le dit fort si justement Rosemonde Cathala dans la préface du livre.

Ainsi, au terme de son périple, DON QUISHEPP, arrive donc au « paradis » des poètes où il est adoubé par ses maîtres : Victor Hugo et son souffle divin, Flaubert et sa Bopvary, Molière et ses tartuffes, Jules Verne et ses aventures, Blaise Cendrars et sa flamme, Pascal et son roseau, Diogène et son soleil, Michel Onfray et la philosophie, Shakespeare et son « to beat or not to beat », Claude Nougaro et ses ailes d’ange, Sartre et son deuxième sax, Bernard Lubat et son festival, Mandela et sa liberté, Breton et son surréalisme, Lacan et son autre, Luchini et son lyrisme génial, Bachelard et sa rêverie scientifique, Desproges et sa critique de l’air ordinaire, Bill Evans et son feeling, Bourdieu et son « habeatus », etc.

On pourrait dire du DON QUISHEPP ce qu’en dit Sartre en conclusion de l’ouvrage Les mots : « Tout un homme, fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n’importe qui ».

Quand on a dit ça, qu’est-ce qu’on a dit ? Rien ! Que reste-t-il à découvrir ? Tout. La trame est juste esquissée. L’âme du DON QUISHEPP reste à savourer. En se baladant dans cette ballade. En rythme et en rimes ! La poésie comme l’or des mots. Et on l’apprend d’autant plus en s’amusant. Loin du langage utilitaire, prosaïque et vénal. Si tu n’as pas tout du grimaud, si tu sais jouer avec les mots, tu y trouveras ton compte. « Un texte indéfinissable », «‘Pataphysique » pour citer Jacques Aboucaya de JAZZ MAGAZINE. Difficilement classable comme son illustre aîné DON QUICHOTTE. L’hommage au Quichotte, pourtant texte en prose mais magistralement écrit, est constant. Considéré comme un des premiers romans modernes, il est aussi classé comme un conte par les spécialistes de l’oeuvre. Mais aussi comme un roman littéraire et philosophique au comique ontologique universel qui a inspiré de nombreuses adaptations.

Derrière l’humour apparemment léger et désinvolte, les plus curieux, étudiants ou passionnés, verront que le livre DON QUISHEPP (Work In Progress) est annoté de références et renvoie le lecteur à une première bibliographie scientifique. Thèses de sociologie, de psychologie ou d’histoire du jazz, recherches universitaires, articles, encyclopédies, traités, albums incontournables et dictionnaires complètent le livres. Une adaptation cinématographique est également en projet. Le public français aime la poésie, la langue de Molière. L’adaptation d’un texte versifié comme Cyrano de Bergerac sur grand écran a fait 4,7 millions d’entrées. Et l’on sait que le public jazz est connaisseur. On peut donc penser qu’un film serait rentable et pourrait dans cette industrie culturelle créer un cercle vertueux, au sens économique du terme.

« I had a dream… ». Je rêve qu’on juge les hommes non à la couleur de leur peau mais à la couleur de leurs idées.

Franck Hercent

Retrouvez les livres de Franck Hercent “oflo” aux éditions Edilivre et sur franckoflo.com

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