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Dictionnaire amoureux des chats de Frédéric Vitoux – Texte de Franck Hercent

IMG 2333« Le dictionnaire amoureux des chats » (éditions Plon/Flammarion ou éditions Pocket) est un livre de passionné et donc passionnant. Unique en son genre. Essentiel… Signé Frédéric Vitoux de l’Académie française. Ceux pour qui cette étrange poésie féline et cet ineffable jeu des correspondances sont intelligibles seront comblés.

D’ailleurs, le poète de l’invitation au voyage trône sur ses quatrains impeccables dès le début de l’ouvrage. « Si un seul écrivain, un seul, avait dû figurer dans ce dictionnaire avec une entrée singulière à son nom, cela aurait été lui, personne d’autre. Baudelaire évidemment, parce qu’il a écrit les textes parmi les plus beaux et, mieux, parmi les plus justes mais aussi parce qu’il demeure le plus grand poète de la littérature française pour autant qu’un tel superlatif puisse avoir un sens dans un domaine qui a peu à voir avec le tiercé, où il n’existe pas de photo finish, Dieu merci » confie d’emblée l’auteur à l’aventureux lecteur qui parcourra ce panthéon littéraire.

C’est un ouvrage-somme (qui ne se revendique pas comme une anthologie) mettant en perspective tant l’histoire de la littérature que celle des arts ou des sciences, les biographies d’écrivains anciens et modernes et leurs œuvres et, bien entendu, comment, cet insolite (de insolitus : inaccoutumé, inouï ») animal, – le chat – a pu les inspirer. L’ouvrage interroge ce lien, amical, qui unit 2 créatures : « parce que c’était lui parce que c’était moi » disait on ne peut mieux Montaigne à l’adresse de La Boétie.

L’iconographie de la version illustrée de l’ouvrage est tout aussi éclairante, rythmant tour à tour les articles :81GbSoUncGL peintures de Manet, de Véronèse, de David Hockney, de Gustave Doré, etc, images de films ou de théâtre comme les Fables de La Fontaine à la Comédie-Française ou photographies rares d’Elliott Erwitt, Yann-Arthus Bertrand, Edouard Boubat, Robert Capa, Colette, Prévert, Brassens, Léautaud, Hemingay, Malraux.

L’auteur de la condition humaine avait salué dès 1976 par une lettre manuscrite l’ouvrage que Frédéric Vitoux a consacré à Bébert, le chat de Céline, lequel lançait presque comme une phrase testamentaire prononcée au bout de la nuit : « Les hommes sont lourds ». Bébert lui, était si léger…. « Un chat c’est l’ensorcellement même, le tact en ondes. » Ce dictionnaire, très documenté, est ainsi truffé d’anecdotes et d’histoires d’amitié qu’entretiennent les écrivains et leur chat. On y apprend par exemple que cette célèbre citation que l’on prête à Victor Hugo« Dieu a fait le chat pour donner à l’homme le plaisir de caresser le tigre » n’est, en fait, pas de lui

« Si un poisson est la personnification, l’essence même du mouvement, alors le chat est le diagramme et le modèle de la légèreté de l’air. » Doris Lessing

« Le chat, une sentinelle de l’invisible. » René de Obaldia

« Les chats sont mortels, Socrate est mortel, donc Socrate est un chat. » Eugène Ionesco

Aphorismes, syllogismes, paradoxe de Schrödinger, mystères symboliques, mysticisme… Le livre s’attaque à cette énigme du chat comme d’autres à celle du Sphinx. Le chat ne se réduit pas à une dialectique conventionnellement hégélienne : thèse, anti-thèse, synthèse. Mais appellerait plutôt une progression du type thèse, antithèse, antithèse… Non dénué d’humour, « le chat ne sert à rien et c’est pour cela qu’on l’aime ». On ne sait s’il nous console, s’il ironise ou s’il se paye ouvertement notre bobine. Si son sourire est un mystère sans fond. D’autant plus présent qu’il est absent. Véritable intercesseur entre les humains et les esprits de la littérature. Pour les écrivains, le chat est un contrepoint à la sottise et la cruauté des hommes.

 

De son côté d’ailleurs,  le jazz lui fait la part belle. Un musicien de jazz est surnommé “un cat”. Qui n’a jamais écrit un quatrain, une page, un texte, un livre inspiré par un swing sûr et en regardant au loin son félon félin déambuler sur le velours d’une rythmique intérieure, puis…

Viens me voir de nouveau,

Regarde à quel chapitre

J’en suis… Ex abrupto,

Tombe la tête sur le titre !

 

Me fixe sans ciller

De ses deux soleils ronds,

Arc-en-ciel irisé

Par une flamme de charbon.

 

 

Les chats préférés de Frédéric Vitoux sont les chartreux. Il n’affectionne pas les chats de race, les « marques »,  les défilés et autres concours animaliers… Il les préfère libres, démarqués, invraisemblables. Avec une griffe. « Des chats qui ne ressemblent qu’à eux-mêmes, ça n’a pas de prix ». Comme les écrivains ? Les chats seraient-ils des symboles intermédiaires de sentiments, d’imagination, de poésie, de musique ? Les chats seraient-ils, comme les Académiciens, les gardiens du temple de la poésie ?

 

Franck Hercent

Expo à la Péniche du lac pendant tout le festival JAZZ IN MARCIAC.

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